• Les nénufars dorés.

     

     

    Viens. Sur tes cheveux noirs jette un chapeau de paille.

    Avant l'heure du bruit, l'heure où chacun travaille,

    Allons voir le matin se lever sur les monts

    Et cueillir par les prés les fleurs que nous aimons.

    Sur les bords de la source aux moires  assoupies,

    Les nénufars dorés penchent des fleurs pâlies,

    Il reste dans les champs et dans les grands vergers

    Comme un écho lointain des chansons des bergers,

    Et, secouant pour nous leurs ailes odorantes,

    Les brises du matin, comme des sœurs errantes,

    Jettent déjà vers toi, tandis que tu souris,

    L'odeur du pêcher rose et  des pommiers fleuris.

     

    Théodore de Banville.

     

     


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  • Le mai le joli mai en barque sur le Rhin

    Des dames regardaient du haut de la montagne

    Vous êtes si jolies mais la barque s'éloigne

    Qui donc a fait pleurer les saules riverains

     

    Or des vergers fleuris se figeaient en arrière

    Les pétales tombés des cerisiers de mai

    Sont les ongles de celle que j'ai tant aimée

    Les pétales flétris sont comme ses paupières

     

    Sur le chemin du bord du fleuve lentement

    Un ours un singe un chien menés par des tziganes

    Suivaient une roulotte traînée par un âne

    Tandis que s'éloignait dans les vignes rhénanes

    Sur un fifre lointain un air de régiment

     

     

    Le mai le joli mai a paré les ruines

    De lierre de vigne vierge et de rosiers

    Le vent du Rhin secoue sur les bords les osiers

    Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes

     

    Guillaume Apollinaire.

     

     

     


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  • Bien loin d'ici.

    C'est ici la case sacrée

    Où cette fille très parée,

    Tranquille et toujours préparée,

     

    D'une main éventant ses seins,

    Et son coude dans les coussins,

    Écoute pleurer les bassins ;

     

    C'est la chambre de Dorothée.

    -La brise et l'eau chantent au loin

    Leur chanson de sanglots heurtée

    Pour bercer cette enfant gâtée.

     

    Du haut en bas, avec grand soin,

    Sa peau délicate est frottée

    D'huile odorante et de benjoin.

    -Des fleurs se pâment Dans un coin.

     

    Charles Baudelaire (1821-1867)

     


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  • La pluie tape

    Dans une danse délicate et garnie de plumes

    Le long de l'Hudson.

     

    Le monde entier est bleu,

    Un bleu qui fond

    Le ciel et l'onde et le lointain rivage,

    Dans un ton calme.

     

    Un remorqueur, voguant lentement,

    Traîne une écharpe grise

    Parmi les lumières miroitées de l'eau.

     

    Mes pensées qui vous cherchent

    Ce soir

    Sommeillent dans la brume

    Grise et bleue,

    Myosotis.

     

    Brownell Carr.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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  • Prends un brin d'herbe et froisse-le

    entre la pulpe de tes doigts

    et tu sentiras parfois une odeur amère

    et parfois celle du printemps

    c'est peut-être de l'anis c'est peut-être de la menthe

    c'est peut-être la plante

    qui fait rêver à tous les parfums de l'Arabie

    à la cannelle au gingembre à l'ilang-ilang

    au poil de l'âne qui fait hihan hihan

    à la roche rôtie à la pierre panée

    à la route rouillée à la boue piétinée

    à l'eau

    à rien

     

    Raymond Queneau.


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