• Qui n'a pas vu les toits du Louvre,

    Quand , par les clairs matins, ils font,

    Sous le tendre azur qui les couvre,

    Un bloc d'un azur plus profond ?

     

                Alors l'aiguille d'or

                De la Sainte-Chapelle

                          Rappelle

                Clouant au sol Paris vermeil

                Un trait planté par le soleil

                           Qui vibre encor.

     

    D'un pont comme d'une avant-scène

    L’œil suit la courbe de la Seine,

    Au loin, dans un brouillard si bleu

    Que le travail grinçant des grues,

    Comme alentour les cris des rues,

                Tout semble un jeu...

     

     

     

    François Porché.


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  • On a dressé la table ronde

    Sous la fraîcheur du cerisier.

    Le miel fait les tartines blondes,

    Un peu de ciel pleut dans le thé.

     

    On oublie de chasser les guêpes

    Tant on a le cœur généreux.

    Les petits pains ont l'air de cèpes

    Égarés sur la nappe bleue.

     

    Dans l'or fondant des primevères,

    Le vent joue avec un chevreau ;

    Et le jour passe sous les saules,

     

    Grave et lent comme une fermière

    Qui porterait, sur son épaule,

    Sa cruche pleine de lumière.

     

     

    Maurice Carême.


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  • L'albatros.

    Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage

    Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers

    Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

    Le navire glissant sur les gouffres amers.

     

    A peine les ont-ils déposés sur les planches,

    Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,

    Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

    Comme des avirons traîner à côté d'eux.

     

    Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !

    Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !

    L'un agace son bec avec un brûle-gueule

    L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

     

    Le Poète est semblable au prince des nuées

    Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;

    Exilé sur le sol au milieu des huées,

    Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

     

    Charles Baudelaire (1821-1867)

     


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  • Quand le soleil rit dans les coins,

    Quand le vent joue avec les foins,

    A l'époque où l'on a le moins

                  D'inquiétudes ;

    Avec mai, le mois enchanteur

    Qui donne à l'air bonne senteur,

    Il nous revient l'oiseau chanteur

                   Des solitudes.

     

    Il habite les endroits frais,

    Pleins de parfum et de secrets,

    Sur les lisières des forêts ;

                  Et des prairies ;

    Sur les bords d'un lac ombragé,

    Auprès d'un manoir très âgé

    Ou d'un cimetière chargé

                  De rêveries.

     

     

    Maurice Rollinat.


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  • Parfums exotiques.

    Quand, les deux yeux fermés, en un chaud soir d'automne,

    Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,

    Je vois se dérouler des rivages heureux

    Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone.

     

    Une île paresseuse où la nature donne

    Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;

    Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,

    Et des femmes dont l’œil par sa franchise étonne.

     

    Guidé par ton odeur vers de charmants climats,

    Je vois un port rempli de voiles et de mâts

    Encor tout fatigués par la vague marine,

     

    Pendant que le parfum des verts tamariniers,

    Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,

    Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

     

    Charles Baudelaire (1821-1867)

     


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