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       Mon enfant, ma sœur,

       Songe à la douceur

    D'aller là-bas vivre ensemble !

       Aimer à loisir,

       Aimer et mourir

    Au pays qui te ressemble !

       Les soleils mouillés

       De ces ciels brouillés

    Pour mon esprit ont les charmes

       Si mystérieux

       De tes traîtres yeux,

    Brillants à travers leurs larmes.

     

    Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

    Luxe, calme et volupté.

       Des meubles luisants,

       Polis par les ans,

    Décoreraient notre chambre;

       Les plus rares fleurs

       Mêlant leurs odeurs

    Aux vagues senteurs de l'ambre,

       Les riches plafonds,

       Les miroirs profonds,

    La splendeur orientale,

       Tout y parlerait

       A l'âme en secret

    Sa douce langue natale.

     

    Là tout n'est qu'ordre et beauté,

    Luxe, calme et volupté.

       Vois sur ces canaux

       Dormir ces vaisseaux

    Dont l'humeur est vagabonde;

       C'est pour assouvir

       Ton moindre désir

    Qu'ils viennent du bout du monde.

       Les soleils couchants

       Revêtent les champs,

    Les canaux, la ville entière,

       D'hyacinthe et d'or;

       Le monde s'endort

    Dans une chaude lumière.

     

    Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

    Luxe, calme et volupté.

     

    (LES FLEURS DU MAL)

     

     

     


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    Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,

    Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,

    Je vois se dérouler des rivages heureux

    Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone;

     

    Une île paresseuse où la nature donne

    Des arbres singuliers et des fruits savoureux;

    Des hommes dont le corps est mince et vigoureux

    Et des femmes dont l'œil par sa franchise étonne.

     

    Guidé par ton odeur vers de charmants climats,

    Je vois un port rempli de voiles et de mâts

    Encor tout fatigués par la vague marine,

     

    Pendant que le parfum des verts tamariniers

    Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,

    Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

     

    (LES FLEURS DU MAL)

     

     


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    Voici venir les temps où vibrant sur sa tige

    Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir,

    Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir,

    Valse mélancolique et langoureux vertige !

     

    Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;

    Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige;

    Valse mélancolique et langoureux vertige !

    Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

     

    Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige,

    Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !

    Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;

    Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

     

    Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,

    Du passé lumineux recueille tout vestige !

    Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...

    Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !

     

    (LES FLEURS DU MAL)

     

     


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     La Muse

    Poète, prends ton luth et me donne un baiser;

    La fleur de l'églantier sent ses bourgeons éclore,

    Le printemps naît ce soir; les vents vont s'embraser;

    Et la bergeronnette, en attendant l'aurore,

    Aux premiers buissons verts commence à se poser.

    Poète, prends ton luth et me donne un baiser.

     

      Le Poète

    Comme il fait noir dans la vallée !

    J'ai cru qu'une forme voilée

    Flottait là-bas sur la forêt.

    Elle sortait de la prairie;

    Son pied rasait l'herbe fleurie;

    C'est une étrange rêverie;

    Elle s'efface et disparaît.

     

    La Muse

    Poète prends ton luth ; la nuit, sur la pelouse,

    Balance le zéphyr dans son voile odorant.

    La rose, vierge encor, se referme jalouse

    Sur le frelon nacré qu'elle enivre en mourant.

    Ce soir, sous les tilleuls, à la sombre ramée

    Le rayon du couchant laisse un adieu plus doux.

    Ce soir, tout va fleurir: l'immortelle nature

    Se remplit de parfums, d'amour et de murmure,

    Comme le lit joyeux de deux jeunes époux.

    ...

     


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