• Tandis qu'à leurs œuvres perverses

    Les hommes courent haletants,

    Mars qui rit, malgré les averses,

    Prépare en secret le printemps.

     

    Pour les petites pâquerettes,

    Sournoisement lorsque tout dort,

    Il repasse les collerettes

    Et cisèle des boutons d'or.

     

    Dans le verger et dans la vigne,

    Il s'en va, furtif perruquier,

    Avec une houppe de cygne,

    Poudrer à frimas l'amandier.

     

    La nature au lit se repose;

    Lui, descend au jardin désert

    Et lace les boutons de rose

    Dans leur corset de velours vert.

     

    Tout en composant des solfèges

    Qu'aux merles il siffle à mi-voix,

    Il sème aux prés les perce-neige

    Et les violettes au bois.

     

    Sur le cresson de la fontaine

    Où le cerf boit, l'oreille au guet,

    De sa main cachée il égrène

    Les grelots d'argent du muguet.

     

    Sous l'herbe, pour que tu la cueilles,

    Il met la fraise au teint vermeil,

    Et te tresse un chapeau de feuilles

    Pour te garantir du soleil.

     

    Puis, lorsque sa besogne est faite,

    Et que son règne va finir,

    Au seuil d'avril tournant la tête,

    Il dit: " Printemps, tu peux venir ! "

     

    (Emaux et Camées)


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  • Le temps a laissé son manteau

    De vent, de froidure et de pluie,

    Et s'est vêtu de broderie,

    De soleil luisant, clair et beau.

     

    Il n'y a bête ni oiseau

    Qu'en son jargon ne chante ou crie:

    Le temps a laissé son manteau

    De vent, de froidure et de pluie.

     

    Rivière, fontaine et ruisseau

    Portent, en parure jolie,

    Gouttes d'argent d'orfèvrerie;

    Chacun s'habille de nouveau:

    Le temps a laissé son manteau.


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  • La croisée est ouverte; il pleut

    Comme minutieusement,

    A petit bruit et peu à peu

    Sur le jardin frais et dormant;

     

    Feuille à feuille, la pluie éveille

    L'arbre poudreux qu'elle verdit;

    Au mur, on dirait que la treille

    S'étire d'un geste engourdi.

     

    L'herbe frémit, le gravier tiède

    Crépite, et l'on croirait là-bas

    Entendre sur le sable et l'herbe

    Comme d'imperceptibles pas.

     

    Le jardin chuchote et trésaille,

    Furtif et confidentiel;

    L'averse semble maille à maille

    Tisser la terre avec le ciel.

     

    Il pleut, et, les yeux clos, j'écoute,

    De toute la pluie à la fois,

    Le jardin mouillé qui s'égoutte

    Dans l'ombre que j'ai faite en moi.


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