• Il pleure dans mon cœur

    Comme il pleut sur la ville:

    Quelle est cette langueur

    Qui pénètre mon cœur?

     

    O bruit doux de la pluie

    Par terre et sur les toits !

    Pour un cœur qui s'ennuie

    O le chant de la pluie !

     

    Il pleure sans raison

    Dans ce cœur qui s'écoeure .

    Quoi ! nulle trahison ?

    Ce deuil est sans raison.

     

    C'est bien la pire peine

    De ne savoir pourquoi,

    Sans amour et sans haine,

    Mon cœur a tant de peine !

     


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  • Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,

    Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.

    J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.

    Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

     

    Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

    Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

    Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

    Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

     

    Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe

    Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

    Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe

    Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

     

                                         (Les Contemplations)


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  • Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées.

    Mon paletot aussi devenait idéal.

    J'allais sous le ciel, Muse, et j'étais ton féal:

    Oh là là, que d'amours splendides j'ai rêvées!

     

    Mon unique culotte avait un large trou.

    Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course

    Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.

    Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.

     

    Et je les écoutais, assis au bord des routes,

    Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes

    De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;

     

    Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,

    Comme des lyres, je tirais les élastiques

    De mes souliers blessés, un pied contre mon cœur!


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  • Que j'aime voir, chère indolente,

                   De ton corps si beau,

    Comme une étoffe vacillante,

                    Miroiter la peau!

     

    Sur ta chevelure profonde

                    Aux âcres parfums,

    Mer odorante et vagabonde

                     Aux flots bleus et bruns,

     

    Comme un navire qui s'éveille

                      Au vent du matin,

    Mon âme rêveuse appareille

                      Pour un ciel lointain.

     

    Tes yeux où rien ne se révèle

                       De doux ni d'amer,

    Sont deux bijoux froids où se mêle

                        L'or avec le fer.

     

    A te voir marcher en cadence,

                        Belle d'abandon,

    On dirait un serpent qui danse

                        Au bout d'un bâton.

     

    Sous le fardeau de ta paresse

                         Ta tête d'enfant

    Se balance avec la mollesse

                          D'un jeune éléphant,

     

    Et ton corps se penche et s'allonge

                         Comme un fin vaisseau

    Qui roule bord sur bord et plonge

                          Ses vergues dans l'eau.

     

    Comme un flot grossi par la fonte

                          Des glaciers grondants,

    Quand l'eau de ta bouche remonte

                          Au bord de tes dents,

     

    Je crois boire un vin de Bohême,

                          Amer et vainqueur,

    Un ciel liquide qui parsème

                           D'étoiles mon cœur!

     


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  • J'ai voulu ce matin te rapporter des roses;

    Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes

    Que les nœuds trop serrés n'ont pu les contenir.

     

    Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées

    Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées;

    Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir;

     

    La vague en a paru rouge et comme enflammée.

    Ce soir, ma robe encore en est toute embaumée...

    Respires-en sur moi l'odorant souvenir.


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